Résultats du Projet N°1

 

En 2022 j’avais entamé la première année du Baccalauréat ès Lettres en Etudes chinoises, choisissant de le faire à Genève pour deux raisons : 1. c’était la dernière année avant la retraite de (A)________________, une enseignante, qui avait développé une didactique du chinois sérieuse et stimulante. 2. Le professeur (B)_________ et (A)______________ m’avaient garanti que je puisse faire un programme différent du leur. (A)_______________ m’autorisait d’écrire quelques articles sur la didactique du chinois documentant mes exercices de chinois développés par moi-même dans la logique du projet. J’appliquais cette même approche — l’orientation par le projet — à mes études scientifiques et politiques en proposant des articles sur des sources traduits (ou rendus intelligibles par un travail d’historien) choisis par moi-même. J’ai dû en choisir quatre, deux avant 1912, deux après.

Mes quatre livres

1) Huan Kuan, Discours sur le Sel et le Fer, texte présenté, traduit et annoté par Jean Levi, Bibliothèque chinoise, Paris, 2010.

2) Kang Youwei, Manifeste à l'empereur : Adressé par les candidats au doctorat, texte présenté, traduit du chinois, annoté et présenté par Roger Darrobers, Paris, Éditions You-Feng, [l’original en chinois : 1895] 1996.

3) Gao Hua, How the Red Sun Rose: The Origins and Development of the Yan’an Rectification Movement, 1930-1945, translated by Stacy Mosher and Jian Guo, Hong Kong, CUHKPress, [Chinese original: 2000] 2019. (sources utilisés: archives de documents inédits assemblés par l’auteur)

4) Isabella M. Weber, How China Escaped Shock Therapy: The Market Reform Debate, Abingdon and New York, Routledge, 2021. (sources utilisés: 51 interviews faits par l’auteur)

Mon choix de sources se construisait autour d’une problématique politique commune, celle de l’économie politique de l’Etat et/ou les éléments du communisme en Chine, avec l’étendue de sa mise-en-pratique contre toutes les contraintes que celle-ci impose : en principe, la promesse de l’affaiblissement ou l’abolition de l’Etat et en même temps la redistribution foncière en communes, en même temps l’imposition d’une conception de moralité et des rites sur la société avec l’importance donnée à l’abolition de la monnaie, induisant l’Etat à redéfinir les moyens coercitifs dans la vie de tous les jours, etc., etc.

Il arrive que certains de ces éléments soient présents sous diverses formes un peu partout dans le monde, c’est-à-dire globalement au 20ème siècle, mais certainement, à mon sens, en Chine antique et en Grèce antique, parfois de manière plus documentée, parfois moins. Je considère la pensée communiste non pas comme expression inéluctable de la nature humaine, mais comme « une solution doctrinaire » parmi d'autres qui s’est imposée dans la mentalité des humains là où ils ont essayé de résoudre des problèmes politiques de façon finale et définitive, en regardant soit en arrière, en insistant sur l’âge d’or du passé (communisme primitif), ou en avant, avec une même insistance, une même croyance statique en l’âge d’or du futur (une dynamique retrouvable dans toute culture politique humaine).

Cela dit, je n’allais pas principalement me concentrer sur le communisme dans mes travaux préliminaires. Plutôt dans un deuxième temps. Je me laissais d’abord enfoncer dans le bain du passé pour retrouver la perspective de l’époque antique, par laquelle on ne pouvait aucunement prévoir le désastre de la famine du grand bond, qui à partir de 1958 a fait 32.5 millions de morts selon une étude démographique de Cao Shuji (2005), un peu au-dessus de 36 millions selon l’extrapolation des données régionales que Yang Jisheng a fait publier en 2008 et plus de 45 millions selon J. Becker (1998) et F. Dikötter (2010), qui le suit parce que la donnée approximative vient d’un personnage ayant participé au calcul dans une enquête à l’intérieur du parti.

Alors je rédigeais mes articles que j’allais discuter avec mes collègues des études chinoises et en histoire générale, ma famille et mes enseignants dans la vision de m’améliorer. À cette fin je les mettais ensuite sur mon blog « Totalrevision » ; c’était en tout cas l’intention. (B)_________ me demandait d’ajouter un grand nombre de littérature à ma lecture et deux sources à côté de mes livres 3 et 4. J’ai fini par écrire 4 articles d’une longueur et étendue inattendue par le professeur, mais suite à beaucoup de résistance à (mais peu de discussions sur) mon point de vue et ma méthode, il a néanmoins fini par accepter leur qualité et mon examen portait également sur un des quatre sources (la dernière, en l’occurrence). J’ai appris plus tard à travers un commentaire de Jean Levi, traducteur des Entretiens de Confucius, que mon professeur tenait une opinion plutôt hétérodoxe que j’avais — sans faire exprès — offensée par mes propos hostiles à son point de vue.

(A)_______________ avait aussi accepté mes travaux, mais sans adapter l’examen de langues au contenu de mes projets, ce qui me donnait un travail additionnel difficilement contournable. Si mes projets proposés en études grecques n’avaient pas été résistés et seraient pas restés lettre morte, j’aurais eu beaucoup moins de succès en apprenant un double vocabulaire en chinois. Certainement mes études auraient été plus intenses si je devais constamment des allers et retours entre le vocabulaire politique chinois et le vocabulaire politique d’Aristote en grec ancien ; mais peut-on douter qu’ils auraient été plus enrichissantes ? Cela était rendu impossible par une attitude plus rigide en études grecques et en histoire ancienne, surtout de ces messieurs qui se trouvait en tête des deux disciplines.

L’originalité de mon approche centrée sur le projet, de ma problématique de recherche et de mes conclusions scientifiques — et dans mon étude de la langue et de la politique — mettaient trop en danger le contrôle que voulait exercer la clique aristocratique dans l’université, par lesquels je me voyais contraint de me faire accepter, envers lesquels je devais feigner ma soumission scientifique pendant deux ans (entre 2021 et 2023), et qui m’encourageaient très peu, voire me décourageaient d’avoir mes propres idées. Tout en adhérant aux attentes académiques impersonnels (problématique, axes, conclusion, et références), j’ai tenté pourtant d’expérimenter avec la structure de mes articles, les différents niveaux d’argumentation — politique et scientifique — et temporels — enjeux et héritages simultanément historiques et contemporains. Ainsi prenant ce risque, j’ai fini par écrire quelque chose qui vaut la peine d’être lu encore une année plus tard ; bien que ces articles auraient été écrits bien différemment si je n’avais pas été contraint par les sensibilités de l’aristocratie universitaire. Je me sentais obligé de gonfler mes notes de bas de pages en conséquence, pour que l’on sente néanmoins que j’aspire à la philosophie politique comparative atemporelle ; il ne suffit donc pas de lire le texte principal pour comprendre l’interconnectivité de mes articles.

Yantielun 鹽鉄論 de Huan Kuan: https://totalrevision.blogspot.com/2022/12/largumentation-contre-leconomie-dirigee.html

Shangqingdi 上清帝 und Datongshu 大同書 de Kang Youwei: https://totalrevision.blogspot.com/2023/05/quelle-economie-politique-kang-youwei.html

How the Red Sun Rose, ou 紅太陽是怎樣升起的 de Gao Hua: https://totalrevision.blogspot.com/2023/05/1947-logic-of-communist-land.html

L'examen (réussi avec une note de 5.5) portait finalement sur: ZHAO Ziyang, Prisoner of the State: The Secret Journal of Premier Zhao Ziyang, translated by Adi Ignatius and Bao Pu, Simon & Schuster, 2010.