Quelle économie politique Kang Youwei 康有爲 avait-il favorisé à la fin de la dynastie Qing 清 ?
Kang Youwei
(1858-1927) — le prétendu père fondateur de la pensée politique de la Chine
moderne, surtout pour certains théoriciens néo-Confucéens d’une persuasion
réformiste (v. ZENG) — avait écrit — non un — mais deux
manifestes politiques différents qui ont fortement influencé l’idéologie politique
du gouvernement en Chine à deux reprises. Souhaitant voir l’avènement d’un meilleur
modèle politico-économique, Kang avait essayé sans cesse d’influencer la
politique de l’Empire avec ses nombreux textes politiques. En insistant, il a réussi,
et ses propositions de réformes politiques contribueront idéologiquement à
produire un nouvel ordre d'économie politique réglant institutionnellement les
liens entre pouvoir politique et profit économique.
La
publication en 1895 du « Manifeste à l’empereur Shangqingdi 上清帝 » catapulte
Kang dans les rangs des conseillers de la politique impériale, invité à devenir
un des principaux meneurs de la réforme des cent jours en 1898 (WONG). Puis le mouvement
pour réformer l’Empire jusqu’à la fin de celui-là en 1911 — dont les idées
persistent bien au-delà — s’approprie les préoccupations délimitées dans ce
manifeste (MA p. 38). Cette période était précédé par le mouvement dit d’auto-renforcement,
mené par les seigneurs de la guerre dans les provinces, qui visait
principalement à industrialiser la machinerie de guerre.
Ensuite, après
la première publication en entier (dont la partie la plus radicale) du
manifeste utopique « Datongshu 大同書 » en
1935, celui-ci devient une référence pour le dirigeant du parti communiste
chinois sélectionné par Georgi Dimitrov en 1938 (XU), Mao Zedong. Désormais, le
concept de datong 大同, d’une origine ancienne (v. note 10 tout en bas), mais
prenant une signification communiste à partir du Mouvement du 4 Mai en 1918,
fusionnait anarchisme, marxisme et les concepts non-marxistes du Datongshu
en un utopisme à la chinoise. Déjà autour de l’année de la fondation du parti
communiste chinois en 1921, l'autre parti communiste à Shanghai, plus
international dans sa composition, portait le nom de Datongdang 大同黨 et rivalait le premier en essayant également de tisser des liens avec Moscou pour atteindre ses objectifs à la visée d’un monde harmonieux socialiste[1]. L’influence
du concept de datong dans la doctrine de Mao, qui répète comme une
vérité que l’abolition de la famille prédit dans le Datongshu se
réalisera avant l’avènement du communisme[2], culmine
en 1958 pour MAZARD et OU dans l’établissement du système des communes du
peuple (renmingongshezhidu人民公社制度), visant la
réalisation de l’utopie datong sur terre.
L'écononmie politique traditionnelle dans le Manifeste à
l’empereur Shangqingdi 上清帝 (mai 1895)
Mon article problématise la première étape de la transformation de l’Etat chinois
sous influence de la pensée de Kang Youwei dans le Manifeste à l’empereur,
notamment sous l’aspect de l’industrialisation, pilier dans la réflexion
communiste sur l’avancement de la société. Sur ce point Kang ne peut ni être téléologiquement
considéré en tant que proto-communiste, n’ayant rien avoir avec la théorisation
du marxisme révolutionnaire (qui se développera autour du Mouvement du 4 Mai en
Chine en 1918), ni exclusivement comme un importateur d’idées japonaises ou
occidentales, car, comme je le dis ci-dessous, la réalité du processus
d’industrialisation au Japon est incompatible avec les idées mises en avant
dans le manifeste de 1895 (et aussi avec les idées du Datongshu, dont il
est question dans ma conclusion). Ses références aux traditions de la pensée chinoise,
bien qu’orientées par la modernité occidentale à laquelle il était exposé dans
sa province natale du Guangdong, lui donnent un cadre conservateur destiné à
rallier l’élite et la cour, faisant appel aux traditions confucéennes. Mais pas
seulement : il reprend aussi des anciennes certitudes sur la gouvernance
économique, qui font de l’industrialisation une tâche largement dictée par
l’Etat, pour laquelle il faut élargir la bureaucratie afin de financer l’Etat
central. La projection du rôle élargi de l’Etat dans sa vision de l’économie
politique (plus explicite dans le Datongshu, v. KANG 2005 pp. 210-225)
reflète un optimisme partagé par les courants socialistes européens et japonais
de l’époque, rendant cette vision en partie compatible avec le développement
institutionnel vers une économie socialiste. Puis lorsque le modèle d’industrialisation
de type léniniste et staliniste se présenteront à la politique chinoise à
partir de 1917 et 1928 respectivement, il n’est pas difficile de s’imaginer, en
vue du rôle central de l’industrie dans la pensée de Kang, comment Mao a pu effectuer
une fusion de ces deux courants idéologiques en un communisme sinisé.
Après avoir
retrouvé une certaine stabilité financière en 1894 (KASKE p. 254), l’Etat
central, la première guerre sino-japonaise perdue, est soumis aux conditions onéreuses
du Traité de Shimonoseki en 1895. Le Japon demande le double de son revenu annuel en
indemnités de guerre et la cession de territoires — contre lesquels proteste le
manifeste de Kang Youwei et les lettrés qui l’ont soussigné. Les pages 69 à 81 —
les « six façons » d’enrichir l’Etat — et les pages 82-100 — façons
de « nourrir le peuple » — prescrivent une réorganisation de
l’économie politique comme alternative aux conditions du Traité (avec
l’intention de mobiliser l’argent dû aux Japonais pour des réformes), mettant
en avant des mesures à prendre pour moderniser l’économie allant jusqu’aux vagues
notions d’une électrification de l’économie (KANG 1998 p. 86 et 105). Cette
partie montre néanmoins que la substance des propos de Kang doit beaucoup aux
méthodes économiques nommées (au 19e siècle) qingzhong 輕重. Cette appellation
vient d’une partie du Guanzi, texte formateur de la pensée économique
chinoise probablement écrit à la fin du deuxième siècle AEC, faussement attribué à Guan
Zhong (6e siècle AEC), vénéré au titre de « plus grand
politicien » par le disciple de Kang Youwei — Liang Qichao[3].
Kang base notamment
sa proposition de la construction des chemins de fer et la fabrication des
machines et des bateaux à vapeur sur le fonctionnement du monopole du sel pendant
la dynastie Qing (par un système de licences dans lequel le gouvernement tire
grand profit). Cela est révélateur parce que le Guanzi avait posé les
bases théoriques du monopole en tant qu’outil pour enrichir l’Etat, en
particulier celui du sel. Kang propose que les mines encore largement
inexploitées en Chine (en particulier dans les périphéries, comme la Mongolie)
devraient être œuvrées également sous un monopole d’Etat, nous faisant songer en
tant que lecteurs au monopole du fer sous les Han. Les monopoles sous les Han
font sujet de La Dispute sur le sel et le fer, ouYantielun (date
historique de ce débat à la cour des Han : 81 AEC) auquel Kang Youwei emprunte la notion de
« tirer profit » (mou li 牟利 ; selon
le traducteur Roger Darrobers, note 135 p. 153). Cette notion est développée
dans le La Dispute sur le sel et le fer par le Grand Secrétaire de
l’administration Han, qui promouvait les pratiques du gouvernement de faire
profit (opposées à une frugalité d’Etat), notamment par la régulation des prix
et les monopoles d’Etat, afin de financer la guerre contre les barbares aux
frontières de l’Empire (je note que pour le Grand Secrétaire la recherche du
profit joue aussi un rôle incontournable dans la distribution des fruits du labeur
au sein de la société pour nourrir le peuple)[4]. Dans le
contexte du passage annoté par Darrobers, Kang Youwei plaide évidemment pour une
forme de guerre économique contre les forces impérialistes de son époque (je
cite, « tirer profit de l’ennemi »)[5],
consistant justement à (1) enrichir l’Etat et (2) contrôler l’économie par les
mêmes moyens qu’utilisait l’Etat à l'époque des Han, voulant ainsi également s’en débarrasser d’une
menace barbare.
Pour appuyer son argument, Kang fait plusieurs fois appel au modèle politique du Zhouli (texte répandu à partir de la dynastie Han postérieure[6]), parce que ses propos impliquent qu’une bureaucratie mercantile et des marchands sous-contractés se chargent de la majeure partie de l’industrialisation de manière très interventionniste. Mais plutôt que de vouloir signaler un retour à l’administration de la dynastie Zhou, il perpétue ainsi le système modérément ancien de zhaoshang 招商 — terme désignant le recrutement des investisseurs et des gestionnaires — si central au fonctionnement des entreprises d’Etat à partir des Tang, mais surtout à la fin des Qing (v. LAI). Faisant allusion aux bureaux qui existaient pour gérer l’économie dans l’antiquité, Kang propose que des Bureaux de la soie et du thé, des machines et des travaux publics devraient être établies — mais sur rien d’autre, il faut supposer, que le modèle zhaoshang existant de son vivant.
La nouveauté inspirée par l’Occident, c’est l’école publique, qui, chez Kang, prend sa place dans l’économie politique afin de développer les qualités du peuple dans son entier, afin que les bureaux mentionnés aient un personnel qualifié. Puisque, selon Kang : « L’Etat ne leur a [au peuple, O.D.S.] sans doute pas suffisamment enseigné à créer des choses nouvelles. » (p. 87)[7]. La Chine n’avait alors pas encore d'écoles pour les affaires économiques à l’échelle du pays (que MOKYR dans sa comparaison de la Chine et l’Europe, chapitres 16 et 17, considère une des innovations culturelles cruciales pour l’industrialisation). In fine, les politiques présentes dans le Manifeste à l’empereur démontrent le rôle prédominant de l’industrie d’Etat dans le processus de modernisation d’envergure envisagé par Kang.
L'industrialisation à la japonnaise n'était pas le modèle initial
La vision du
Manifeste à l’empereur contraste avec le processus d’industrialisation
au Japon de 1886 à 1905 (telle qu’elle est caractérisé par NAKAMURA). L’Etat
Meiji a préfiguré ce processus (dès 1872) en légiférant les institutions privées
de base : les sociétés par actions, notamment les banques nationales, et
les places boursières (1878). Le statut légal de la société par actions a subi encore
un durcissement juste avant que commence le premier boom des entreprises
démarrant l’industrialisation (ce boom a produit 5% de croissance du PIB entre 1886-1889).
Les entreprises, grandes et petites, ont été financées — et avec eux
l’industrialisation — par les capitaux régionaux privés, et si certains secteurs
clés ont été lancés par le gouvernement, celui-ci les a vite laissés au secteur
privé. Fondamentalement, quand l’Etat ne prévoit pas une réintégration de
l’industrie dans l’environnement concurrentiel du marché à long-terme ou
n’exige pas de délais strictes de performance informés par la démarche
d’acteurs privés sur le marché (comme à Singapour, v. CHEANG), les coûts du
manque d’innovation et de l’inefficacité qui surgissent dans le financement et la production
nuisent par conséquence au développement industriel (cp. les conclusions de l’économiste CHANG
Ha-Joon sur « l’Etat développementaliste »). En prévoyant que l’Etat
s’occupera d’une industrie donnée d’une durée indéterminée, comme selon la conception
de Kang Youwei, des normes concurrentiels ne peuvent alors tenir debout et l'industrie stagne.
Dans le cas
du secteur ferroviaire japonais, où l’investissement privé était faible,
l’administration s’est engagée à recueillir des fonds privés par divers moyens
avec un très faible succès. NAKAMURA montre avec des cas d’études que c’est
surtout la concurrence interrégionale qui a déclenché la volonté d’investir. Le
manque de volonté d’investir dans la technologie moderne parce qu’elle serait
étrangère est un mythe. Cette
situation n’existait ni au Japon, ni en Chine, mais comme KÖLL conclut,
c’est la présence d’institutions économiques qui, au Japon comme en Chine, jouait
un rôle crucial (pp. 493-4) : « In this context [the comparison with Japan, O.D.S.], it is fair to argue that the late and slow trajectory of the rail sector in China was at least partly due to the lack of sufficient institutional reforms that could have brought about modern banks and legal changes for incorporated joint-stock companies to motivate investors. » Malgré le fait qu’une idéologie d’industrialisation était
bien présente, la Chine n’est pas arrivée au bout de son programme ambitieux. Dans
certains secteurs clés, cela est sûrement en grande partie ou même entièrement
à cause de l’influence des positions miroitant celles de Kang Youwei face aux
finances publiques et plus largement face à son économie politique.
Il est
éclairant que la rapide croissance de l’électrification urbaine en Chine dans
les années 1920 était largement dû au secteur privé (KUNG pp. 382-5). Similairement,
au Japon le progrès de l’électrification commençait avec l’installation
d’ampoules électriques. D’abord à Tokyo, puis à Yokohama, les compagnies de
charbon ont diversifié leur entreprise dans la génération et la distribution d’électricité
(NAKAMURA, v. troisième partie du livre). Puis plus la demande augmentait, plus ils
augmentaient leurs capacités en allongeant les lignes de distribution (50 kV)
pour connecter les sites de génération électrique, comme les lacs et les
rivières, aux quartiers urbains. Il fallait un investissement privé majeur (via
la Bourse de Tokyo) dans les nouvelles technologies, comme les lignes à haute
tension venant des Etats Unies et l’hydroélectrique venant de Suisse ; et cela
réduisait le prix de l’électricité, accélérant la motorisation des petites et
grandes entreprises, et faisant croître encore plus la demande. Pour subvenir à
la demande de l’électricité il fallait retourner au charbon pour compenser
l’énergie renouvelable.[8]
D’un autre
côté, la sollicitation dans le manifeste de Kang à la page 118 (KANG 1998) d’apprendre
de la législation et des constitutions des autres a pourtant joué un rôle
correctif dans le programme de réforme de la fin des Qing. L’Empire a envoyé
25'000 élèves chinois au Japon entre 1889 et 1911 (que Kang considérait en 1898
être le pays le plus important d’imiter, v. VOGELSANG pp. 296-7 et 302 ff.), avant sa dissolution cet empire a fini par copier des parties de la constitution japonaise, construire un système
d’éducation et une police au modèle du Japon, introduisant en outre la première loi sur
la compagnie en 1904 (le premier marché boursier ne s’ouvrant pas avant 1920). Mais
sans un durcissement légal du statut de la société par actions comparable au
Japon, les entreprises en Chine sont restées hybrides au début du vingtième
siècle, ayant gardé leurs formes et aspects traditionnels (v. ZELIN).
Des méthodes historiques à des fins utopiques
La
centralisation fiscale, pour Kang, comme mille ans auparavant sous les Song, 10e
et 11e siècles (v. LAMOUROUX), allait de pair avec la mise en place
de méthodes qingzhong et la bureaucratie entrepreneuriale. Selon cette conception, l’Etat central mène les activités économiques de la société afin
d’y extraire directement son profit, capturant la valeur produite et essayant
de limiter les revenus des autres bénéficiaires potentiels dans un secteur économique
donné[9], d’où la
nomination d’« extractif » du type d’institutions créées par ce
modèle d’économie politique.
Le lien entre ce modèle traditionnel de centralisation fiscale, mis en avant en 1895, et l’utopie radicale du Datongshu que Kang développe peu après en 1902 (v. introduction dans KANG 2005) s’exprime par le fait que la réforme sous ordres de l’empereur n’est qu’une première étape vers « l’âge de la paix et la prospérité complète », soit une avancée stratégique vers l’unification du monde. Kang prévoit que pendant cette transition l’empereur sera remplacé par un président et par la suite aucun président ne sera nécessaire et que la transition exige d’abord l’abolition de l’industrie privée, puis des Etats-nations et de la famille (p. 226 : « if we were to abolish private enterprise, [abolishing national states, O.D.S.] would be very easy. Then we will begin by abolishing the family. »). Comme pour les communistes, l’industrialisation constitue pour Kang le passage crucial pour atteindre l’utopie (p. 221) : « Now the barbarous ages esteemed simplicity, the Age of Complete Peace-and-Equality will esteem refinement. ... Esteeming refinement, [we] will therefore value industry. ... nothing will be honoured more highly [than industry, O.D.S.]. » Logiquement, puisque l’élément central de la société future imaginé par Kang est l’industrie, développer l’industrie sous l’égide de l’Etat et renforcer l’extractivité des institutions permet de transiter vers l’utopie Datong 大同[10]. C’est ainsi que s’explique vraisemblablement l’affinité de Kang pour la tradition chinoise impériale de l’économie dirigée, historiquement plutôt à l'encontre des courants confucéens, comme le néo-confuciannisme de ZHU Xi pendant la dynastie Song.
En fin de compte, même si Kang est souvent évoqué pour son réformisme et son rôle dans le mouvement de modernisation (comparé à ce titre à Deng Xiaoping v. ZENG), il a bâti un des socles idéologiques que Mao pouvait utiliser pour légitimer la forme que prendra le totalitarisme en Chine, car présentant une idéologie d’industrialisation extractive plutôt traditionnelle à la chinoise (peu avoir avec l'idéologie confucéenne), afin que l’Etat puisse graduellement diriger toute l’économie.
Conclusion
Kang, comme tous les utopistes, emprunte des méthodes connues à des fins sans précédant, qui dérouleraient logiquement de ces méthodes, pourvu qu'on y persiste jusqu'au bout. Mais dans l'histoire nous y trouveront le plus souvent des recettes pour le désastre (comme par l'exemple le monopole du fer). Si nous les utilisons jusqu'au bout, elles seront désastreuses jusqu'au bout. Nous ne pouvons pas prédire la réussite d'une expérience "laboratoire" économique, ni ce qu'on apprendra dans le futur. Par contre, nous pouvons apprendre de nos echecs et développer des nouvelles méthodes à partir d'une compréhension meilleure. Ces méthodes inconnues ne se trouvent jamais dans un manifeste, mais ils sont à déveloper cas par cas. Il suffit de faciliter leur invention et leur application. Voilà le vrai défi que nous pose la philosophie politique.
Appendice :
Le Datongshu et Kang Youwei dans les discours de Mao Zedong
En 1949, l’année de la fondation de la République Populaire de Chine, Mao prétend que l’avènement de l’utopie de Kang Youwei doit procéder selon les dictes de l’avant-garde politique de la classe ouvrière.
“Thus Western bourgeois civilization, bourgeois democracy and the plan for a bourgeois republic have all gone bankrupt in the eyes of the Chinese people. Bourgeois democracy has given way to people's democracy under the leadership of the working class and the bourgeois republic to the people's republic. This has made it possible to achieve socialism and communism through the people's republic, to abolish classes and enter a world of Great Harmony. Kang Yu-wei wrote Ta Tung Shu, or the Book of Great Harmony, but he did not and could not find the way to achieve Great Harmony. There are bourgeois republics in foreign lands, but China cannot have a bourgeois republic because she is a country suffering under imperialist oppression. The only way is through a people's republic led by the working class.”
En 1958, l’année du commencement du Grand Bond en Avant, Mao attaque le prétendu « dogmatisme » de ceux des rangs communistes parmi lesquels seule la théorie du marxisme-léninisme prime, leur opposant une thèse de Kang Youwei, selon laquelle la famille sera abolie dans le futur.
“Once we give in to blind faith our minds become cramped and our thought cannot burst out of its confinement. Unless you have a conquering spirit it is very dangerous to study Marxism-Leninism. Stalin could be said to have had this spirit, though it became somewhat tarnished. The Leninist foundation of his writing on linguistics and economics was relatively correct — basically correct. But there are some issues worth studying, for example the role of the theory of value in the socialist stage. Should we take the amount of time expended in preparing people for labour as a criterion for fixing wages? Under socialism private property still exists, the small group still exists, the family still exists. The family, which emerged in the last period of primitive communism, will in future be abolished. It had a beginning and will come to an end. K’ang Yu-wei perceived this in his book Universal Harmony. Historically, the family was a production unit, a consumption unit, a unit for the procreation of the labour force of the next generation, and a unit for the education of children. Nowadays the workers do not regard the family as a unit of production; the peasants in the cooperatives have also largely changed, and peasant families are generally not units of production. They only engage in a certain amount of subsidiary production. As for the families of government workers and members of the armed forces, they produce even less; they have become merely units of consumption, and units for rearing and bringing up labour reserves, while the chief unit of education is the school. In short, the family may in future become something which is unfavourable to the development of production. Under the present system of distribution of ‘to each according to his work’, the family is still of use. When we reach the stage of the communist relationship of distribution of ‘to each according to his need’, many of our concepts will change. After maybe a few thousand years, or at the very least several hundred years, the family will disappear. Many of our comrades do not dare to think about these things. They are very narrow-minded. But problems such as the disappearance of classes and parties have already been discussed in the classics. This shows that the approach of Marx and Lenin was lofty, while ours is low.”
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[1] ISHIKAWA pp. 129-142 ; ainsi un membre du parti communiste chinois
résume la situation, cité p. 140 : « there were two Communist
parties in Shanghai. One was founded by Chen Duxiu and believes in a pure
Marxism, while the other [the Datongdang, O.D.S.] was a group organized by Huang
Jiemin and believes in adding some anarchism to its Marxism. »
[2] MAO 1949 et 1958, v. citations dans l’appendice.
[3] Note 91 p. 148 et n. 136 p. 153 de KANG 1998. Guan Zhong (ou
Pseudo-Guan Zhong) est mentionné plusieurs fois et cité une fois dans le Manifeste
à l’empereur.
[4] Chapitre 3 du Yantielun. Beaucoup des propositions de Kang Youwei
suivent non seulement la logique du Guanzi, mais souvent celle du Grand
Secrétaire du Yantielun. P. ex. introduire une nouvelle monnaie unifiée
pour créer de la confiance ; centraliser les finances afin d’enrichir
l’Etat, permettant de se défendre des barbares (et de réformer la société, le
contraire de ce que disent les Lettrés confucéens et mohistes) ; mettre en place des monopoles et
des corvées pour renforcer l’Etat ; et, suivant la maxime de Han Fei,
adapter ses solutions aux problèmes nouveaux ayant changé avec le temps (Kang
dans un autre manifeste de 1888 est très explicite sur cette maxime). Il me
semble à présent que Kang est moins confucéen qu’on prétend toujours,
particulièrement en vue de ses thèses mis en avant dans le Datongshu, y compris
sur l’abolition de la vie familiale.
[5] Une stratégie militaire que les communistes vont d’ailleurs mettre en place en
1943 sous le nom de « guerre économique », v. WEBER pp. 75-80.
[6] Utilisé pour légitimer l’économie politique du gouvernement chinois au moins
depuis l’intermède Wang Mang (9-25 EC, v. BAN), le Zhouli est interprété
à cette époque comme étant un traité sur les institutions (« les
rites » 禮) de l’Etat Zhou 周 occidental, mais en réalité il s’agit selon SCHABERG
d’un traité de la dynastie Qin proposant au lecteur une constitution politique
mélangeant rites anciens et méthodes économiques et organisationnelles datant
de l’époque des Royaumes Combattants qui permettrait au souverain d’obtenir des
informations utiles pour gouverner la périphérie de son Empire. Kang
attaquerait lui-même 6 ans plus tard l’authenticité de l'antiquité du Zhouli entier (SCHABERG
p. 37). Sur l’utilisation de ce texte pendant la dynastie Qing, v. DUNSTAN.
[7] Il dit aussi que l’éducation par le travail, la corvée, permettrait de
nourrir les mendiants et réhabiliter les criminels ; et que la Chine
devrait apprendre de la Russie tsariste en mettant en place la pratique des
déportations de criminels, « ce qui contribue à développer [les] région[s] »
(p. 96). Ces deux dernières propositions que je mentionne choquent de par leur
continuité par la suite avec le stalinisme, démontrant la compatibilité de la
transition staliniste avec celle envisagée par Kang.
[8] Cela se reproduit de nos jours dans les grandes villes en Chine.
L’expansion de l’électrification en Chine contemporaine, comme au Japon dans
les années 1900, a nécessité l’allongement des lignes de distribution (à ultra
haut voltage pour le 21e siècle, égal à 800-1'100 kV) pour atteindre
les sites de génération d’énergie renouvelable plus lointains, si un abandon de
la compensation par le charbon doit se produire. À la différence du Japon, où
les régions faisaient partie du moteur de l’électrification, le marché des
renouvelables est freiné en Chine contemporaine par le provincialisme, la
priorisation du marché de l’énergie provincial par l’administration
provinciale, provoquant des pannes d’alimentation (v. Wendover Productions).
[9] Par exemple, une des mesures centralisatrices qui suit ce modèle est d’abolir
les taxes du gouvernement local, les fameux lijin 釐金, v. KANG 1998 p. 95 ; ils seront seulement abolis sous
les Nationalistes en 1931 (KASKE p. 270).
[10] Ce que Kang décrit dans le Datongshu se démarque complètement de l’âge
d’or légendaire portant le nom de Datong 大同dans le chapitre « Liyun » du Lijing, le classique confucéen des
rites, v. COUVREUR, bien qu’il y emprunte pour son utopie le critère de la
« conformité aux lois de la nature », notamment le critère selon
lequel Kang juge toute conception d’une société future. Pourtant le Datongshu
partage avec le Manifeste à l’empereur la marque des pratiques économiques de
la dynastie Qing, comme le système des greniers contre la famine à l’instar des
politiques économiques du Guanzi, que l’on retrouve également dans le
programme économique officiel de la rébellion des Taiping par exemple, v. DE
BARY p. 224-226.