"Sept Jours" par Emmanuel de Waresquiel

 Quand j'étais encore au Gymnase de Bienne, à l'âge de 16 ans, j'ai découvert Georges Lefebvre (drôle de nom) et son importance, selon Peter Burke (Writing History), pour l'histoire de l'historiographie. Le titre qui m'intriguait : "La Grande Peur". Mais les Thérmidoriens, le Directoire, etc., ces termes me semblaient également étranges. Lire un livre en entier en français était encore une grande tâche. J'ai fini par ne jamais le lire.


Je me souviens d'avoir vu son recueil de sources, si important pour ces sept jours. Il me semblait que certainement tant de décennies plus tard ça ne vallait plus la peine de le prendre sous la loupe quand d'autres l'auraient déjà fait. Les pages Wikipédia sur la Révolution française m'apprenaient plus sur le manque de focalisation diligente en ce qui la concerne. Il est encore plus surprenant de voir la traduction du Journal de Gouverneur Morris apparaître chez Droz (à partir de 2018), pendant qu'une nouvelle édition anglaise reste à faire (prenant pour base The Gouverneur Morris Online Diary), puis, à mon avis, il en faut une sélection politique, comme je l'ai fait pour les deux mois, juin et juillet, 1789. Cette dernière, je l'ai publié sur ce blog: https://totalrevision.blogspot.com/2023/12/gouverneur-morris-selected-political.html Elle accompagne bien les Sept Jours.


Si Waresquiel n'est pas allé assez loin pourtant, il fournit les bases pour comprendre la révolution en tant que changement de la constitution qui a pour condition préalable un changement des esprits. Il fallait pouvoir s'imaginer une constitution sans roi.


G. Morris note le 12 juin que les esprits sont très attaché à la personne du roi. Quelques jours après il doit admettre que le roi a perdu la sécurité de sa popularité. Pourquoi ? La particularité des révolutions totales, c'est qu'on pouvait s'imaginer mieux, on ne voulait plus faire d'excuses pour la monarchie. Il prétend que Necker aurait pu devenir l'auteur d'une nouvelle constitution et sauver la monarchie, au fur et à mesure il semble changer d'avis sur la nature du peuple français. Mais le fondement de sa théorie est fausse. Puisque le peuple "est changé" (contre le mot de Louis XVI le 23 juin), car il a su penser l'impensable, grâce aux écrivains, qui ont eu leur soutien grâce aux sociétés de pensée.


Et grâce aux événements des révolutions corse et américaine, dont on parlait à bout de souffle dans la presse européenne. L'Assemblée Nationale a prononcé des solutions à la question de "qui règne (et sur quelle légitimité)" auxquels on faisait confiance qu'ils seraient meilleures. Toute solution politique appliquée aux circonstances contient une logique qui échappe au plupart ou à tous ses promoteurs. Essentiellement, c'est de ses effets imprévus et imprévisibles qu'il faut apprendre avec distanciation.


Si les esprits ont saisi l'impensable et innové leur constitution, ils ont traversé cette révolution comme somnambules, sans apercevoir les implications de leurs propositions. Ils n'ont pas une idée clair de la liberté, car leur liberté est une négation conceptuelle des conditions existantes, elle est expérimentée et n'existe pas encore parmi le peuple dans son ensemble. Les beaux mots ont leur propre logique en tant que solution au problème du règne. La liberté républicaine peut s'avérer pire que la monarchie. On ne comprends qu'après coup si les mots et les solutions sont véritablement beaux. Normalement, s'ils sont repris plus tard, prononcés soit cyniquement ou sincèrement, par Napoléon, les libéraux ou encore les socialistes, il faut de toute façon les placer dans le contexte d'un autre programme de lois ou de constitutionnalisme, bon ou mauvais, mieux ou pire.